La révolte des femmes en Suède et #MeToo

Avant d’aborder les sujets d’actualité, nous avons besoin d’une brève récapitulation historique :

En Suède nous avons une tradition de femmes indépendantes –en commençant par les Vikings. Une femme pouvait être chef de clan, prêtresse, héritière, poétesse (skalder), sculptrice de runes, commerçante, médecin et même guerrière. On a retrouvé dernièrement un tombeau d’une grande guerrière Viking, enterrée avec son armement et son cheval en Nouvelle Zélande, bien loin de sa terre natale!

Sculpture de femme de César

Les hommes étaient certes considérés par la loi comme supérieurs aux femmes mais les femmes continuaient par exemple à être mandataires de leurs maris. Dès le 16ème siècle, l’Eglise Suédoise (réformée luthérienne) encourageait les parents à envoyer leurs filles autant que leurs fils à l’école élémentaire.

Durant les Lumières le statut des femmes fut amélioré grâce à des lois passées en leur faveur et plusieurs femmes acquièrent une notoriété nationale, notamment dans le domaine de l’art.

Mais c’est au 19ème siècle que la situation des femmes s’améliore nettement avec des lois promulguées pour le droit d’héritage, droit de commerces, de différents métiers auparavant tenus exclusivement par des hommes (tels que dans l’enseignement, la poste, dentiste, médecin). L’école primaire devint obligatoire pour les deux sexes et les femmes sont acceptées à l’université. Dès la moitié du siècle, le premier mouvement féministe prend forme et se répand rapidement dans toutes les couches sociales (même si les discussions de l’égalité des sexes avaient débuté bien avant cela, au 18ème siècle).

En 1902, l’Association pour le suffrage des femmes est créée et le droit de vote des femmes a finalement été accepté en 1921. En 1958, les femmes ont le droit de devenir prêtres aussi. Une évêque femme a été nommée en 1997 et depuis 2014, nous avons une archevêque femme (Antje Jackelén). A Paris nous avons eu plusieurs prêtres femmes à la suite l’une de l’autre au sein de l’église suédoise dans le 17ème. Après certes quelques protestations, cela est dorénavant rentré dans les mœurs et peu s’en offusquent de nos jours. Preuve que les mentalités évoluent.

Depuis le début du 21ème siècle, des postes pourvus par des ambassadeurs femmes ont augmenté de façon exponentielle. Notre ambassadeur de Suède en France, Amb. Veronika Wand-Danielsson, est une femme très intéressée par la cause féminine. Notre gouvernement actuel est un gouvernement qui se dit féministe. Nous avons même un parti féministe qui a un mandat parlementaire.

Alors on peut se poser la question de savoir pourquoi le mouvement #MeToo a prit une telle ampleur en Suède ?

Le mouvement – ou les dénonciations des problèmes de harcèlements sexuels dans pratiquement TOUS les domaines – a surpris par son étendue. La Suède – ayant été germanophone et francophone surtout au sein de la diplomatie pendant des siècles – s’est depuis quelques décennies de plus en plus tournée vers le monde Anglophone. Les us et usages des USA influencent nos jeunes plus que ceux du vieux continent. Ce n’est donc pas surprenant qu’après les révélations choquantes de #MeToo venant de ce pays, que cela ait influencé les suédois.

Depuis l’affaire Weinstein aux USA, il y a eu un véritable déferlement de témoignages d’harassements sexuels dans notre pays soi-disant si égalitaire !

Cela a commencé durant l’automne 2017 dans le milieu du théâtre et du film, puis a continué dans pratiquement tous les milieux de travail : des juristes, des infirmières, des chanteuses, des journalistes, des techniciennes, des musiciennes, des ingénieurs, des photographes, des sportives professionnels, des gens travaillant à l’église suédoise, de l’armée, de l’équitation, de l’école et de l’enseignement… Bref des dizaines de milliers de témoins – essentiellement des femmes mais également quelques hommes et enfants – ont signé les hashtags divers. Même l’académie suédoise a été touchée par ce scandale!

Quelques exemples de témoignages :

  • L’éditeur de musique toujours très aimable sur Facebook et qui à l’air d’adorer le monde entier, mais dès qu’il boit un peu trop à une soirée, se bagarre, appelle les filles « putes » en a presque étranglée une, mais s’en sort toujours avec l’excuse qu’il avait « un peu trop bu »…  
  • Après avoir été violée par un collègue musicien, j’ai perdu des amis auxquels je m’étais confiée. « C’était pas bien ce qu’il a fait, mais tu comprends il est un atout dans le domaine musical, donc je ne veux pas couper les liens avec lui. »
  • Une matinée au sein de mon travail dans l’industrie technique, deux collègues m’ont attaqué, tapé puis essayé de me violer. Ensuite ils m’ont dit que « les filles n’ont pas leur place ici. »
  • En tant que jeune journaliste freelance, j’ai été droguée puis violée par deux confrères établis. Je n’ai pas osée les dénoncer par peur de perdre mon travail.
  • Jeune et nouvelle journaliste pour un journal du soir, j’ai été envoyée en mission à l’étranger avec un photographe établi et bien plus âgé que moi. Le journal avait prit un seul appartement pour nous deux. Cela m’a gêné mais je me suis dit que puisque c’était au sein du travail, je n’avais pas à m’en faire. Mais dès le premier soir, il a commencé à me ploter, à mettre sa langue dans mon oreille etc. Je me suis enfuie dehors. Une fois de retour à la rédaction, j’en ai parlé à mon rédacteur en chef, qui n’a fait qu’hausser ses épaules.  

La Reine Sylvia et la Princesse héritière Victoria se sont rangées du côté des victimes en disant que c’était « une campagne très importante ». Elles ont assisté à des témoignages au sein du milieu du théâtre et des films.   « C’est insupportable et il faut faire quelque chose afin de changer cette situation déplorable au sein de tant de milieux divers. » Ont-elles dit.

Peu de personnes ont pourtant été dénoncés ou condamnés – ce n’était pas tant « balance ton porc, que regarde-moi – respecte-moi ! »

La plupart des témoins étaient très jeunes à l’époque des assauts souvent fait par des supérieurs d’hiérarchie et d’âge et en général c’est la honte et/ou la peur de perdre leur emploi qui ont contribué à leur longue silence. Mais une fois que des langues se sont déliées, les autres ont suivi.

Un autre problème auquel le gouvernement doit faire face est celui des harassements dans les écoles. Comment en effet protéger les enfants des autres enfants. Le problème des femmes/filles d’immigrés dans nos banlieues est aussi loin d’être résolu. Car ceci ne doit pas rester qu’un problème de milieu privilégié mais doit s’étendre à toute la population.

Actions gouvernementales :

Une nouvelle loi de consentement mutuel a été proposée contre les crimes d’ordre sexuels. L’acte sexuel doit être consentie par les deux partenaires. Il n’y aurait donc plus besoin de violence physique ou de menaces pour être condamné pour viol. Il y aurait également deux condamnations possibles supplémentaires contre des violences sexuelles sans que cela ne comporte de viols proprement dits. La condamnation pour viol sur mineurs serait également augmentée de 4 à 5 ans d’emprisonnement.

Ces changements de loi seraient applicables à partir du 1er juillet 2018 si elles sont acceptées.

De toute manière, même cela prend du temps de changer les attitudes, cette troisième révolution des femmes – après le droit de vote, puis le droit d’accéder à tous les métiers – était nécessaire à mon avis et va doucement faire son chemin.

Les femmes auront moins honte et moins peur de parler car la loi sera de leur côté et ce sera déjà un grand pas en avant. De plus il y a eu une véritable solidarité féminine mais aussi masculine au sein de la société. Il est temps que les femmes prennent leur véritable place et que les hommes apprennent à les respecter. Il est surtout temps que la société s’unifie et que les hommes et les femmes s’entraident pour l’avenir de notre planète.

Anne Edelstam, Suède.

anne_edelstam@hotmail.com

About Anne

Swedish journalist, photographer, editor and writer. Based in Paris, France.